Henry Joseph

Rédigé le 28-09-2009

Henry JOSEPH est Docteur en pharmacie et en pharmacognosie.
Président de l’association pour la promotion et le développement des plantes médicinales et aromatiques de la Guadeloupe (APLAMEDAROM), il se bat au quotidien pour la revalorisation des aliments locaux.

Quel part prennent les produits locaux dans l’alimentation ?

La Guadeloupe importe près de 80% de son alimentation. Nous consommons donc essentiellement des aliments possédant des index glycémiques (I.G.) élevés (pommes de terre, riz précuit, pain blanc, soda, sucreries, etc.).
Nous ne mangeons quasiment pas de fruits et de légumes locaux pourtant riches en vitamines et avec des index glycémiques souvent bas comme les patates, la mangue, la papaye, les pois de bois, les pois boucoussous.

Existe-t-il des légumes locaux pouvant concurrencer des aliments à IG élevé comme la pomme de terre ?

Originaire d’Amérique du Sud, la patate douce, cultivée aux Antilles, n’appartient pas à la même famille que la pomme de terre.
Présentant les mêmes qualités culinaires que cette dernière, elle diffère par ses propriétés nutritionnelles. Premièrement,la patate douce possède un IG de 50 qui la classe parmi les aliments à IG bas. Ensuite, elle présente des vertus de santé démontrées.
Selon la couleur de la chair, les propriétés nutritionnelles diffèrent et les effets sur l’organisme aussi.
Ainsi, les variétés jaunes seraient plus riches en vitamines A et C et protégeraient contre les cancers de l’estomac.
Une variété violette, appelée en Guadeloupe “patate betterave”, est riche en dérivés phénoliques et en thocyaniques ayant des propriétés détoxifiantes en médecine traditionnelle et des effets pharmacologiques démontrés : antioxydants, antimutagéniues, hypoglycémiants, chymiopréventifs contre certains cancers.

Quelles sont les conséquences sur notre santé des dérives de notre alimentation ?

L’éloignement de notre écosystème pourrait être la cause des constipations, des avitaminoses, des neurasthénies, des pertes de mémoires, des maladies métaboliques et dégénératives dont souffre la population.
D’où l’intérêt de nourrir nos enfants très tôt aux fruits et légumes locaux si nous voulons gagner la bataille de l’obésité ou des maladies métaboliques liés aux produits importés trop raffinés.
D’autant que notre patrimoine végétal est riche : sur les 3600 espèces que comptent la flore de Guadeloupe, nos ancêtres nous ont laissé 625 espèces médicinales, 220 espèces comestibles composés d’environ 130 fruits, 60 légumes, 20 tubercules et une dizaine de noix et graines.

Existe-t-il actuellement des initiatives nutritionnelles visant à éclairer les habitants sur les qualités des aliments locaux ?

Pour ma part, j’ai offert aux Guadeloupéens un livre ouvert sur la composition nutritionnelle des fruits et légumes du pays. Il est installé sur la marché de Basse-Terre sur des panneaux de 4m². Nous avons réalisé aussi un grand débat télévisé sur la nutrition dans l’émission “Café créole” avec des professionnels de santé, des diététiciens, la sécurité sociale et des malades.
Et nous continuons nos actions concrètes sur le terrain.

extrait de l’article du Nouvel Observateur